Par nature, le jardin et la ville sont des espaces antagonistes si l’on considère qu’ils incarnent, d’une part, la nature, d’autre part, le bâti et, qu’ensuite, la ville, pour exister, doit remplacer la nature dont elle s’isolait autrefois par des murs pour s’en protéger. Mais, bien entendu, les rapports de l’homme à la nature ne sont pas aussi binaires et, que ce soit pour l’agrément ou l’utilité, la nature domestiquée sous forme de jardins a toujours été incluse dans l’espace urbain.
Si l’on observe les plans anciens des villes, on peut y mesurer la place importante qu’occupent ces jardins à l’intérieur des fortifications. Ce sont essentiellement ceux des congrégations religieuses, des hôtels particuliers urbains ainsi que des maraîchages. Cependant, tous ces espaces sont privés et avant le XIXe le jardin public n’existe pas en tant que tel même si, ça-et-là, des accès sont possibles pour le public à des jardins privés comme ce fut, par exemple, le cas aux Tuileries. C’est donc dans le cadre des politiques hygiénistes et d’embellissement des villes que l’espace vert public devient un élément de composition urbain qui prend des formes différentes selon les sites et les circonstances. Sauf exception, ces aménagements se réalisent dans le cadre strict d’espaces clos par des grilles ou de promenades plantées, intégrées dans des compositions urbaines.
Parmi les premières expériences, on peut citer pour illustrer cette variété qui apparaît dès la fin du XVIIIe siècle le cimetière du Père-Lachaise qui au-delà de la fonction apparaît avec une fonction de promenade, le jardin de la Fontaine à Nîmes comme aboutissement de l’aqueduc alimentant la ville, la promenade du Peyrou à Montpellier qui ressort du même principe ou encore, le parc Monceau, ancienne propriété de la famille d’Orléans, devenue publique après la révolution.
Ces modèles du parc public clos de grille ou de la promenade prospéreront longtemps et ponctuent invariablement les paysages urbains traditionnels tandis que les grands jardins privés seront, pour la plupart, progressivement lotis, donnant aux villes un nouvel aspect.
Dans ce panorama que l’on peut faire rapidement des jardins en ville il y a une forme que l’on oublie et qui, de ce fait, est régulièrement transformée ou détruite, ce sont les jardins des grands ensembles. Très souvent, en même temps qu’apparaissaient ces nouvelles formes urbaines, leurs auteurs les accompagnaient d’aménagement paysager de grande qualité qui entretenaient des relations très fortes avec l’architecture au point d’en être indissociable. Les projets d’Aillaud ont porté très loin cette façon de concevoir des quartier et avec beaucoup de poésie et d’humanisme. Labourdette, Breuer (Bayonne) ou Dubuisson ont produit également de beaux exemples.
Plus récemment, de nouvelles formes de parc urbains apparaissent qui tiennent compte des aspirations de habitants et du développement durable. Plus souples, plus variés et moins clos que les parterres blasonnés de la IIe République, ils offrent une nature plus sauvage et variée, peut-être pour se rapprocher de celle que l’on regrette de détruire trop vite par ailleurs…
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Légende photo couverture dossier “Jardins urbains” : L’histoire du jardin des Tuilerie a été merveilleusement racontée par Marcel Poëte en 1924. Autrefois en limite de la ville et ouvert vers l’Ouest sur la campagne, au delà des fossés, ce jardin fut aussi un des premier à être accessible au public. © Philippe Cieren.